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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/449

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voulut que ce gentilhomme arriva le lendemain qu’il eut commis le crime qui va être raconté.

Le comte de Horn alla le vendredi de la Passion, 22 mars, dans la rue Quincampoix, voulant, disoit-il, acheter cent mille écus d’actions, et y donna pour cela rendez-vous à un agioteur dans un cabaret. L’agioteur s’y trouva avec son portefeuille et des actions, et le comte de Horn accompagné, lui dit-il, de deux de ses amis ; un moment après ils se jetèrent tous trois sur ce malheureux agioteur ; le comte de Horn lui donna plusieurs coups de poignard, et prit son portefeuille ; un de ses deux prétendus amis qui étoit Piémontois, nommé Mille, voyant que l’agioteur n’étoit pas mort, acheva de le tuer. Au bruit qu’ils firent, les gens du cabaret accoururent, non assez prestement pour ne pas trouver le meurtre fait, mais assez tôt pour se rendre maîtres des assassins et les arrêter. Parmi cette bagarre, l’autre coupe-jarret se sauva ; mais le comte de Horn et Mille ne purent s’échapper. Les gens du cabaret envoyèrent chercher la justice, aux officiers de laquelle ils les remirent, qui les conduisirent à la Conciergerie. Cet horrible crime, commis ainsi en plein jour, fit aussitôt grand bruit, et aussitôt plusieurs personnes considérables, parents de cette illustre maison, allèrent crier miséricorde à M. le duc d’Orléans, qui évita tant qu’il put de leur parler, et qui avec raison ordonna qu’il en fût fait bonne et prompte justice. Enfin les parents percèrent jusqu’au régent ; ils tâchèrent de faire passer le comte de Horn pour fou, disant même qu’il avoit un oncle enfermé, et demandèrent qu’il fût enfermé aux Petites-Maisons, ou chez les pères de la Charité, à Charenton, chez qui on met aussi des fous ; mais la réponse fut qu’on ne pouvoit se défaire trop tôt des fous qui portent la folie jusqu’à la fureur. Éconduits de leur demande, ils représentèrent quelle infamie ce seroit que l’instruction du procès et ses suites pour une maison illustre, qui appartenoit à tout ce qu’il y avoit de plus grand, et à presque tous les souverains de l’Europe. Mais M. le duc d’Orléans