Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/61

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des troubles les avoient pratiqués ; mais ces espèces de troupes se grossirent et se disciplinèrent à tel point qu’on [ne] put enfin se fermer assez les yeux pour n’y pas apercevoir des troupes qui se rendoient redoutables par leur valeur et par leur conduite, qui s’attiroient les peuples en ne prenant rien sur eux, qui en étoient favorisés par l’utilité d’acheter d’eux du sel à bon marché, qui s’en irritoient encore plus contre la gabelle et les autres impôts, enfin, que ces faux sauniers, répandus par tout le royaume et marchant souvent en grosses troupes qui battoient tout ce qui s’opposoit à eux, étoient des gens devenus dangereux, qui avoient des chefs avec eux et des conducteurs inconnus, qui, par ces chefs, les faisoient mouvoir, animoient les peuples et leur présentoient une protection toute prête. Le mépris d’eux, qu’on n’avoit pu ôter au régent, se changea enfin en inquiétude trop juste, mais trop tardive, et l’obligea à prendre des mesures pour arrêter un désordre fomenté par des vues fort criminelles. Il y avoit plus de cinq mille de ces faux sauniers qui faisoient le faux saunage haut à la main, en Champagne et en Picardie. Mezières, lieutenant général et gouverneur d’Amiens, fut envoyé contre eux avec des troupes pour les dissiper.

Quoique le duc du Maine n’eût rien moins qu’aucune des qualités du fameux amiral de Coligny, qui, trois jours avant l’affaire de Meaux, fut trouvé, par celui que la cour envoya chez lui examiner ce qu’il s’y passoit, seul et sans armes, dans sa maison de Châtillon-sur-Loing, taillant ses arbres dans son jardin ; M. du Maine, dis-je, prit ce temps précisément pour faire le marché d’une maison que Mme la princesse de Conti avoit fait bâtir et de deux ou trois voisines qu’il acheta six cent mille livres avec ce qu’il y fallut ajouter, dont il fit l’hôtel du Maine, au bout de la rue de Bourbon, l’Arsenal n’ayant paru à Mme la duchesse du Maine qu’une maison propre à y aller seulement faire quelques soupers.