Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/95

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pour éviter les plaintes des ministres étrangers, qui n’en avoient aucune envie ; sur la manière de demander au roi d’Espagne une justice qu’on n’en espéroit point ; enfin sur la manière de passer à côté de l’enregistrement du parlement, et d’établir sûrement sans cela la banque royale. Tout cela s’agita avec une tranquillité et une liberté d’esprit de la part du régent, qui ne me laissa pas soupçonner qu’il se pût agir d’autre chose. Ce petit conseil dura assez longtemps. Quand il fut fini, chacun s’en alla. Comme je m’ébranlois pour sortir comme les autres, M. le duc d’Orléans m’appela ; cependant les autres sortirent, et je me trouvai seul avec M le duc d’Orléans et M. le Duc. Nous nous rassîmes. C’étoit dans le petit cabinet d’hiver, au bout de la petite galerie. Après un moment de silence, il me dit de regarder s’il n’étoit demeuré personne dans cette petite galerie, et si la porte du bout, par où on y entroit de l’appartement où il couchoit, étoit fermée. J’y allai voir ; elle l’étoit, et personne dans la galerie.

Cela constaté, M. le duc d’Orléans nous dit que nous ne serions pas surpris d’apprendre que M. et Mme du Maine se trouvoient tout de leur long dans l’affaire de l’ambassadeur d’Espagne, qu’il en avoit les preuves par écrit, qu’il ne s’agissoit pas de moins dans leur projet que de ce que j’en ai expliqué plus haut. Il ajouta qu’il avoit bien défendu au garde des sceaux, à l’abbé Dubois et à Le Blanc, qui seuls le savoient, de faire le plus léger semblant de cette connoissance, nous recommanda à tous deux le même secret et la même précaution, et ajouta qu’il avoit voulu, avant de se déterminer à rien, consulter avec M. le Duc et moi seuls le parti qu’il avoit à prendre. Je pensai bien en moi-même que, puisque ces trois autres hommes savoient la chose, il n’étoit pas sans en avoir raisonné avec eux, et peut-être déjà pris son parti avec l’abbé Dubois ; qu’il vouloit flatter M. le Duc de la confiance et le mettre de moitié de tout ce qu’il feroit là-dessus ; à mon égard, débattre réellement avec moi ce