Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/96

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qu’il y avoit à faire pour ne s’en pas tenir à ces trois autres seuls, et parce qu’il avoit toujours accoutumé, comme on l’a toujours vu ici, de me faire part des choses secrètes les plus importantes qui demandoient des partis instants à prendre et qui l’embarrassoient le plus. M. le Duc sur-le-champ alla droit au fait, et dit qu’il falloit les arrêter tous deux et les mettre en lieu dont on ne pût rien craindre. J’appuyai cet avis et les périlleux inconvénients de ne le pas exécuter incessamment, tant pour étourdir et mettre en confusion tout le complot en lui ôtant ses chefs, tels que ces deux-là et Cellamare déjà arrêté et parti, et se parer des coups précipités et de désespoir qu’il y avoit lieu de craindre de gens si appuyés qui se voyoient découverts, et qui, en quelque état que fussent leurs mesures, sentoient qu’on en arrêteroit et qu’on [en] découvriroit tous les jours, et que conséquemment ils n’avoient pas un instant à perdre pour exécuter tout ce qui pouvoit être en leur possibilité, et tenter même l’impossible qui réussit quelquefois et qu’il faut toujours hasarder dans des cas désespérés, tels que celui dans lequel ils se rencontroient.

M. le duc d’Orléans trouva que ce seroit en effet tout le meilleur parti, mais il insista sur la qualité de Mme du Maine, moins je pense en effet, que pour faire parler le fils de son frère. Ce doute réussit fort bien par la haine qu’il portoit personnellement à sa tante et à son mari, et qu’il faut avouer que tous deux avoient largement méritée, et par la nature aussi de l’affaire qui alloit à bouleverser l’État, et les renonciations qui délivroient sa branche à son tour de l’aînesse de celle d’Espagne. M. le Duc répondit à l’objection proposée que ce seroit à lui à la faire, mais, que loin de trouver qu’elle dût arrêter, c’étoit une raison de plus pour se hâter d’exécuter ; que ce ne seroit pas la première ni peut-être la vingtième fois qu’on eût arrêté des princes du sang ; que plus ils étoient grands et naturellement attachés à l’État par leur naissance, plus ils étoient coupables quand ils s’en prévaloient