Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de les multiplier davantage. Ce conseil donc nous apprit deux choses : que Law étoit mis à la Bastille sans M. le Duc, et qu’à l’insu du régent Law avoit fait et répandu dans le public pour six cents millions de billets de banque, non seulement sans y être autorisé par aucun arrêt, mais contre les défenses expresses.

Pour la première, je ne sais qui avoit pu donner un conseil si dangereux à M. le duc d’Orléans, qui au ton qu’il avoit laissé prendre au parlement, et que le parlement ne quittoit point malgré le lit de justice et son voyage de Pontoise, auroit profité du désordre connu des finances et de leur incroyable déprédation, et plus encore du mécontentement public pour en prendre connoissance et se venger enfin de Law, qui depuis si longtemps étoit sa bête, et par lui de M. le duc d’Orléans, qui se seroit trouvé bien empêché, et peut-être hors d’état de le tirer de prison, après l’y avoir mis, et de l’arracher au parlement qui se seroit fait honneur et délice de le faire pendre malgré le régent. Il y avoit bien de quoi, puisque le régent acculé par M. le Duc, l’avoua en plein conseil, et que, pour le tirer de péril, il avoit fait rendre un arrêt du conseil antidaté, qui ordonnoit cette confection si prodigieuse de billets de banque faits et répandus par Law de sa propre autorité. Mais quel aveu d’un régent du royaume, en présence du roi et d’un si nombreux conseil, dont la plupart ne lui étoient rien moins qu’attachés ! Et à qui espéra-t-il avec quelque raison de persuader que Law eût fait un coup si hardi, et de cette importance, à l’insu de lui régent, son seul appui contre le public ruiné, et contre le parlement, qui ne cherchoit qu’à le perdre, et cela, pour la première opération qu’il eût jamais faite, sans l’aveu et l’approbation du régent ? Voilà pourtant oh les finesses dont ce prince se repaissoit le conduisirent, et le dépit et la férocité de M. le Duc le forcèrent à un si étonnant aveu, et si dangereux, en présence du roi et d’une telle assemblée. J’en frémis en l’entendant faire, et