Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/182

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Dubois, et si bien que Dubois ne les regarda plus que comme ne faisant qu’un et qu’il eut part à la même confiance, jusque-là que tous les soirs ils entroient tous deux seuls chez Dubois, et que, entre eux trois, il se disoit et se passoit bien des choses. Dubois, qui n’ignoroit rien en matière de commerce et de liaisons, connoissoit les miennes avec Mme de Lévi et le duc de Charost, conséquemment avec Belle-Ile, tellement que ce fut de lui qu’il se servit pour me rapprocher.

Je ne savois point encore que M. le duc d’Orléans eût parlé de mon ambassade à Dubois, et je n’en avois moi-même ouvert la bouche à qui que ce soit, lorsque je vis entrer Belle-Ile chez moi, qui, après un court préambule, me parla de mon ambassade en homme qui n’en ignoroit rien. Ma surprise fut grande, elle ne m’empêcha pas de demeurer ignorant et boutonné. Alors Belle-Ile me dit que je pouvois lui en parler franchement, parce qu’il savoit tout par l’abbé Dubois, à qui M. le duc d’Orléans l’avoit dit, et tout de suite me demanda comment j’entendois me conduire là-dessus avec l’abbé Dubois, qui avoit seul les affaires étrangères, qui n’attendoit que le moment de sa promotion, dont je ne pouvois me dissimuler le crédit et l’ascendant entier sur M. le duc d’Orléans, qui, après mon départ, demeureroit sans contre-poids le maître de son maître, et qui me pouvoit servir ou nuire infiniment ; qu’au demeurant il ne me dissimuleroit pas qu’il m’apportoit le choix de la paix ou de la guerre ; que Dubois étoit infiniment ulcéré de tout ce que j’avois dit tant de fois à M. le duc d’Orléans contre lui ; que, malgré cela, il ne s’éloigneroit pas de revenir à moi, et de se raccommoder, d’y vivre sur l’ancien pied, mais à de certaines conditions, et de me servir utilement et franchement dans le cours de mon ambassade, et pour l’objet qui me l’avoit fait désirer. L’exhortation amicale suivit, et cependant je faisois mes réflexions.

Je connoissois trop le terrain pour ne pas sentir que