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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/269

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l’union des deux couronnes. Grimaldo et le duc de Liria me nommoient les seigneurs, qui presque tous parloient françois, aux civilités infinies desquels je tâchai de répondre par les miennes.

Un demi-quart d’heure après que le roi fut rentré, il m’envoya appeler. J’entrai seul dans le salon des Miroirs, qui est fort vaste, bien moins large que long. Le roi, et la reine à sa gauche, étoient presque au fond du salon, debout, et tout joignant l’un l’autre. J’approchai avec trois profondes révérences, et je remarquerai une fois pour toutes que le roi ne se couvre jamais qu’aux audiences publiques, et quand il va et vient de la messe en chapelle, terme que j’expliquerai en son lieu. L’audience dura demi-heure (car c’est toujours eux qui congédient) à témoigner leur joie, leurs désirs, leur impatience, avec un épanchement infini, très bien aussi sur M. le duc d’Orléans et sur le désir de rendre Mlle de Montpensier heureuse sur un portrait d’elle et un autre du roi qu’ils me montrèrent à la fin de la conversation, où la reine parla bien plus que le roi dont néanmoins la joie éclatoit avec ravissement, ils me firent l’honneur de me dire qu’ils me vouloient faire voir les infants, et me commandèrent de les suivre. Je traversai seul à leur suite la chambre et le cabinet de la reine, une galerie intérieure, où il se trouva deux dames de service et deux ou trois seigneurs en charge, qui, apparemment, avoient été avertis, comme je l’expliquerai ailleurs, et passai avec cette petite suite toute cette galerie, au bout de laquelle étoit l’appartement des infants. Je n’ai point vu de plus jolis enfants, ni mieux faits que don Ferdinand et don Carlos, ni un plus beau maillot que don Philippe. Le roi et la reine prirent plaisir à me les faire regarder, et à les faire tourner et marcher devant moi de fort bonne grâce. Ils entrèrent après chez l’infante, où je tâchai d’étaler le plus de galanterie que je pus. En effet, elle étoit charmante, avec un petit air raisonnable et point embarrassé. La reine me dit que l’infante commençoit à apprendre