Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
présente au roi et à la reine d’Espagne, desquels il est extrêmement mal reçu. — Il échoue sur les deux affaires qu’il me dit l’avoir amené à Madrid.


Après dîner et un peu de conversation, j’allai chez le roi et la reine qui m’avoient permis d’aller prendre congé d’eux. Je renouvelai mes remerciements sur le coucher public, que je leur dis, comme il étoit vrai, n’avoir été désapprouvé de personne, et les miens ensuite sur les grâces que je venois de recevoir, qui furent tous reçus avec beaucoup de bonté. Je pris congé jusqu’à Madrid. J’allai de là prendre congé du prince des Asturies et dire adieu au marquis de Villena, de chez qui je retournai en mon quartier faire mes dépêches et écrire quantité de lettres à famille et à amis, pour leur donner part des grâces que je venois de recevoir. J’en eus tant à faire que j’y donnai tout le lendemain 22 que la cour partoit de Lerma, et je ne partis avec tout ce qui étoit avec moi que le lendemain 23 janvier. L’embarras n’étoit pas médiocre de mander à M. le duc d’Orléans et au cardinal Dubois que je m’étois passé de leurs lettres, et que sans ce secours j’avois si promptement et si agréablement reçu toutes les grâces de Leurs Majestés Catholiques dont j’avois à rendre compte au régent et à son ministre. J’étois peu en peine de M. le duc d’Orléans dont la légèreté et l’incurie sur les petites choses, et trop souvent sur les grandes, me rassuroit sur le peu d’impression qu’il en recevroit. Mais il n’en étoit pas de même du cardinal Dubois, qui n’avoit fait les deux lettres de cette étrange faiblesse que dans l’espérance de me faire manquer le but qui m’avoit fait demander et obtenir à son insu l’ambassade d’Espagne, qui seroit d’autant plus piqué que j’y fusse arrivé malgré lui, et qui n’oublieroit rien pour aigrir s’il pouvoit M. le duc d’Orléans là-dessus. Je pris donc le parti d’écrire à ce prince une lettre désinvolte et courte là-dessus, suivant son goût, mais pleine de toute la reconnoissance que je devois à sa volonté, au cardinal