Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/186

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uniquement attaché aux intérêts de l’Espagne, et à bien servir dans son emploi. Grimaldo goûta mes raisons, mais l’embarras fut d’en persuader assez Leurs Majestés Catholiques pour entraîner la reine, qui méprisoit Bournonville comme faisoient tous ceux qui le connoissoient, mais qui avoit les plus fortes protections auprès d’elles, à l’abandonner à cet affront. Je répondis que si Bournonville avoit un grain de sens, il seroit le premier à demander d’être déchargé d’une ambassade où il ne pourroit jamais réussir, à voir que le cardinal Dubois mettroit toute son industrie à faire retomber sur lui par l’Espagne même tous les fâcheux succès de ses négociations, à sentir que ce qui réussiroit en toutes autres mains romproit entre les siennes, et qu’en prétextant santé, dépense, affaires, il pouvoit remettre l’ambassade sans affront. Je donnai courage à Grimaldo ; je lui dis qu’il n’y avoit qu’à continuer Laullez qui servoit l’Espagne à son gré, et qui étoit extrêmement agréable à notre cour, prétexter qu’il avoit entamé des affaires qu’il n’étoit pas à. propos de changer de mains, et se donner ainsi tout le temps nécessaire de lui choisir un successeur qui lui ressemblât, et qui marchât sur ses mêmes errements. Enfin Grimaldo, convaincu de mes raisons, peut-être des siennes personnelles qui se trouvoient couvertes par les miennes, me promit merveilles et me les tint. Bournonville, qui m’accabloit de souplesses et de bassesses, ne fut pas assez sage pour refuser. Il insista toujours, comptant sur la publicité de sa déclaration et sur le crédit de sa cabale. Il en fut la dupe, et ses Italiens avec lui, qui en furent outrés de dépit. Pour lui, il sentit le coup, et parut comme un condamné, mais il ne m’en fit que mieux, et me conjura sans cesse de détruire à mon retour lés préventions qu’on avoit prises contre lui, et d’obtenir la permission du régent et du cardinal Dubois d’aller en France se justifier auprès d’eux. Il me faisoit parler par tous ses amis, me raccrochoit partout et me désoloit en plaidoyers qui ne finissoient point. Cela dura jusqu’