Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/189

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Son Altesse Royale étoient si véritablement touchées et qu’elles désiroient avec tant de passion. Ils me laissèrent tout dire, puis le roi me demanda ce que c’étoit donc que le roi et M. le duc d’Orléans lui demandoient. Je répondis : le retour de l’honneur de leurs bonnes grâces pour le duc de Berwick, qui ne se consoloit point d’avoir eu le malheur de les perdre. À ce nom le roi rougit, m’interrompit, et me dit d’un air allumé et d’un ton ferme : « Monsieur, Dieu veut qu’on pardonne, mais il ne faut pas m’en demander davantage. » Je baissai la tête, puis regardant la reine comme pour lui demander assistance, je dis en rebaissant la tête : « Votre Majesté me ferme la bouche ; et le respect m’empêchera de la rouvrir là-dessus, sans néanmoins éteindre les espérances que je mettrai toujours en la générosité et la piété de Votre Majesté. » Je me tus ensuite, comprenant bien à leur contenance qu’insister davantage seroit sans autre fruit que les opiniâtrer et les aigrir. Après quelque silence, la reine parla d’autre chose, mais de simple conversation qui dura quelque peu, et l’audience finit de la sorte. Grimaldo, à qui je rendis ce qui s’étoit passé, n’en fut pas surpris : il me l’avoit bien prédit. Le duc de Liria en fut très affligé, quoique toujours personnellement bien traités. L’un et l’autre, qui furent les deux seuls qui surent cet office, né jugèrent pas à propos que j’en reparlasse davantage. J’en pensois comme eux, et les choses en demeurèrent là.

La seconde affaire, la cour n’y avoit nulle part et n’en avoit pas même de connoissance. La duchesse de Beauvilliers qui par le mariage de sa fille au duc de Mortemart, dont elle étoit dans le repentir depuis longtemps, avoit fait passer presque toute la fortune du duc de Beauvilliers sur ce gendre, étoit touchée après coup de voir Sa Grandesse sortie de sa maison. Elle m’en témoigna sa peine avant mon départ, et me pria de voir si je ne pourrois point obtenir une grandesse pour le duc de Saint-Aignan qui avoit peu de biens et beaucoup d’enfants. J’aimois et je respectois extrêmement