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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/201

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Quoique l’appartement de la princesse des Asturies fit à l’un des bouts de cette galerie intérieure, elle ne parut pas un instant. Je ne prédis que trop vrai à Leurs Majestés Catholiques. La princesse en fit de toutes les façons les plus étranges, excepté la galanterie ; et à son retour ici on eut le temps de voir quelle elle étoit, dans le peu d’années qu’elle a vécu veuve et sans enfants. J’ai rapporté ce bal tout de suite de ce qui regarde la princesse ; il faut parler maintenant des autres fêtes qui furent données à l’occasion des doubles mariages.

Elles commencèrent le 15 février par une illumination et un feu d’artifice dans la place qui est devant le palais. J’ai déjà parlé ici de la surprenante beauté des illuminations d’Espagne. Les feux d’artifice ne leur y cèdent point. Ils durent plus d’une heure et ordinairement davantage dans joute leur plénitude, et dans une variation perpétuelle de paysages, de chasses, de morceaux d’architecture admirables, de places et de châteaux. Les fusées merveilleuses, innombrables à la fois, continuelles, les fleuves et les cascades de feu, en un mot, tout ce qui peut remplir et orner le spectacle et le rendre toujours surprenant ne cesse, ne diminue, ne s’affaiblit pas un moment, en sorte qu’on n’a pas assez d’yeux pour voir le tout ensemble. Nos plus beaux feux d’artifice ne sont rien en comparaison.

Le lendemain, Leurs Majestés Catholiques allèrent en cérémonie à Notre-Dame d’Atocha, telle qu’[elle] a été ici décrite ailleurs. Mais en celle-ci elles étoient dans un carrosse tout de bronze doré et de glaces, avec le prince et la princesse des Asturies sur le devant, et suivies de trente carrosses remplis de grands et de toute la cour. Je n’y fus point ni Maulevrier, comme nous n’y avions point été la première fois, sur l’avis du marquis de Montalègre, sommelier du corps, à qui je le demandai, mais qui ne m’en dit point la raison. J’appris, à l’occasion de celle-ci, que c’étoit parce que les grands étoient avertis de se trouver à ces cérémonies,