Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/202

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et y avoient leurs places et non les ambassadeurs. J’aurois pu m’y trouver comme grand, ainsi que je faisois en d’autres fonctions où les ambassadeurs ne se trouvent pas ; mais celle-ci étoit si solennelle et si marquée sur le double mariage que, n’y pouvant assister comme ambassadeur, je crus m’en devoir abstenir quoique grand. Au retour de l’Atoche, le roi passa par la place Major, tout illuminée, et s’y arrêta quelque temps. J’y étois à une fenêtre. Il trouva, en arrivant au palais, la place qui est devant, illuminée. J’avois eu l’honneur d’être admis sur le balcon de Leurs Majestés Catholiques et près d’elles au feu d’artifice dont j’ai parlé ; mais je me retirai peu à peu à une autre fenêtre gardée pour mes enfants et ma compagnie, et je ne retournai au balcon du roi que pour en voir sortir Leurs Majestés et les accompagner à leur appartement.

On eut un autre jour, dans la place Major illuminée, un divertissement fort galant. La maison où j’étois étoit vis-à-vis de celle du roi, et de l’une à l’autre une lice entre deux barrières. Rien ne pouvoit être plus brillant, plus rempli ni avec un plus grand ordre. Le duc de Medina-Coeli, le duc del Arco et le corrégidor de Madrid avoient chacun leur quadrille de deux cent cinquante bourgeois ou artisans de Madrid, toutes trois diversement masquées, c’est-à-dire magnifiquement parées en mascarades diverses, mais à visage découvert, tous montés sur les plus beaux chevaux d’Espagne avec de superbes harnois. Les deux ducs, couverts des plus belles pierreries, ainsi que les harnois de leurs admirables chevaux, étoient, ainsi que le corrégidor, en habits ordinaires, mais extrêmement magnifiques. Les trois quadrilles, leur chef à la tête, suivies de force gentilshommes, pages et laquais, entrèrent l’une après l’autre dans la place, dont elles firent le tour, et toutes leurs comparses, dans un très bel ordre et sans la moindre confusion, au bruit de leurs fanfares, celle de Medina-Coeli la première, celle del Arco après, puis celle de la ville. Les chefs, l’un après l’autre,