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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/212

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le grand cardinal Ximénès les a fondés pour toujours dans une chapelle de la cathédrale et dans les sept paroisses de la ville où on n’en célèbre point d’autres.

Cette liturgie, qui est latine, et qui, pour l’offertoire et le canon de la messe est, pour tout l’essentiel, [en] tout semblable à la messe d’aujourd’hui, c’est-à-dire à l’oblation, aux espèces, au memento des vivants et des morts, aux paroles et à la forme de la consécration, à l’ostension et à l’adoration de l’eucharistie et du calice consacré, à la communion et au même sens des différentes prières qui précèdent et qui suivent, même à la lecture de l’épître et de l’évangile, est un grand et précieux monument. C’est la messe qui se disoit avant le sixième [1] siècle, puisqu’elle est antérieure à la conquête d’une partie de l’Espagne par les Arabes, ou, comme on dit communément, par les Maures, dans les premières années du sixième siècle, excités et introduits par le comte Julien, outré de ce que Roderic, ou comme on le nomme plus communément, Rodrigue, roi d’Espagne, avoit violé sa fille. Je pris donc mes mesures avec l’archevêque de Tolède, avec qui on a vu ici que j’étois en commerce fort particulier, et je fis ce petit voyage.

Quoiqu’il y ait près de vingt lieues, des environs de Paris, de Madrid à Tolède, des relais bien disposés m’y firent arriver en un jour, et de fort bonne heure. Le chemin est beau, ouvert, uni ; mais Tolède est au pied et dans la montagne. En arrivant dans le faubourg qui est en bas, au pied d’un haut rocher, sur lequel est le reste de l’ancien château, on me fit tourner le dos à l’entrée de la ville, et aller aux Cordeliers, dont le couvent fut le lieu de l’assemblée de ces fameux conciles de Tolède. À peine eus-je mis pied à terre que les notables du couvent s’empressèrent autour de moi,

  1. Il y a dans le manuscrit sixième siècle et non huitième siècle, comme on l’a imprimé dans les précédentes éditions pour rectifier une erreur de date. La conquête de l’Espagne par les Arabes n’eut lieu, en effet, qu’après la bataille de Xérès livrée en 711.