Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’auroit vue en plein, avec la ville de Ségovie, son aqueduc et le couronnement de ses montagnes, s’il avoit été placé vingt ou vingt-cinq toises plus haut, ce qui auroit formé à ses pieds une terrasse telle qu’on auroit voulu, dominant sur les jardins, mais avec une douceur très agréable, et qui n’auroit que plus invité à y descendre, au lieu que l’emplacement où il est ne lui laisse que la vue et le plain-pied de la vallée, et masque entièrement la vue de tous les étages du double par cette hauteur qui s’élève si doucement jusqu’à la plaine, et qu’on semble toucher des fenêtres avec la main. Le rez-de-chaussée me parut destiné en salle des gardes, pièces à tenir des tables, et quelques logements. Tout le premier étage pour les appartements de Leurs Majestés Catholiques, distribués en belles pièces, de belles mais de diverses grandeurs, dont le double aveuglé, comme je viens de l’expliquer, en commodités et en garde-robes, logements de caméristes et de petits domestiques du roi les plus nécessaires, avec, au bout du flanc, des tribunes percées sur la chapelle, mais point encore faites. Nous ne vîmes pas l’étage de dessus. La cage de l’escalier vaste et agréable dans sa forme, au milieu du bâtiment, et à droite et à gauche de jolis escaliers dérobés par lesquels nous passâmes.

À l’autre flanc opposé à la chapelle étoit un bâtiment double, qui ne débordoit pas le château en avant, placé en potence à l’égard du château, qui s’étendoit assez loin en le débordant par derrière, avec des cours et de grands bâtiments intérieurs. Il étoit bâti pour servir de commun pour les équipages, les cuisines et les offices, et pour loger les seigneurs et toute la suite de la cour. Du flanc du château à ce bâtiment, il n’y avoit au plus que trois toises. J’en témoignai ma surprise à la reine, qui me répondit qu’ils vouloient entendre du bruit et voir aller et venir. L’intention secrète, que je ne pouvois comprendre alors, étoit de désennuyer leur retraite par entendre et voir du monde auprès d’eux. Les jardins alloient jusqu’au pied de la montagne,