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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/283

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le suivre dans sa chambre. Là, en tiers avec lui et la reine, ils me demandèrent si j’étois pressé de renvoyer Bannière, et que, si je pouvois attendre des paquets dont ils avoient en vie de le charger, je leur ferois plaisir. Je répondis qu’il n’y avoit rien de pressé, mais que, quand je le serois, leur ordre me suffiroit pour différer aussi longtemps qu’il leur plairoit. Je pris congé d’eux, et fis après mes remerciements à ces seigneurs, surtout au duc del Arco, dont les soins, les prévenances, la politesse n’avoient rien oublié. Il me fournit la même voiture et des montures de la veille pour aller coucher à Ségovie, qui le lendemain nous menèrent au pied de la montagne, où nous trouvâmes nos mules pour la passer, et nos voitures où nous les avions laissées, dans lesquelles nous arrivâmes le même soir à Madrid. Le lendemain j’allai conter à Grimaldo ce qui s’étoit passé en mon voyage, et je n’oubliai pas de lui dire combien j’étois charmé de toutes les merveilles que j’avois vues, mais combien aussi j’étois étonné de la situation et de la position. Il me répondit qu’il s’étoit bien douté que tout s’y passeroit comme je venois de lui raconter, et qu’il étoit fort aise que le roi, malgré le froid de l’abord et l’indifférence sur ce qui m’amenoit, dit voulu me faire voir ses ouvrages, et que la promenade l’eût remis dans son état ordinaire avec moi. Grimaldo ne me dissimula point ce qu’il pensoit du choix du lieu et de sa disposition, et nous causâmes longtemps ensemble.

Il fallut après rendre compte de mon voyage au cardinal Dubois, et répondre à sa lettre. Je lui mandai nettement que j’étois d’autant plus aise de mon éloignement de Paris, que, s’y j’y avois été, rien ne m’auroit empêché de sortir du conseil ; qu’à l’égard de la cabale et de ses desseins, je me flattois qu’ils ne feroient ni peur ni mal à M. le duc d’Orléans ni à son gouvernement ; que, dans le compte que j’avois rendu à Leurs Majestés Catholiques, elles m’avoient paru ne faire aucun cas de cet événement et y être fort indifférentes ; qu’il ne devoit avoir aucune inquiétude des