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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/364

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qui me touchoit le plus sur le rétablissement de tout ordre, droits et justice dans les points qu’on me savoit sensibles, où le désordre étoit devenu plus grand. Je ris en moi-même de tant de magnifiques appâts. Dubois me croyoit sans doute aussi dupe que le cardinal de Rohan, à qui il avoit si solennellement promis de le faire premier ministre, et qui avoit été assez simple et assez follement ambitieux pour s’en être laissé pleinement persuader. Mais ce manége, tout faux qu’il fût, m’acculoit de façon à ne pouvoir plus reculer. Toute mon adresse ne butta qu’à m’assurer le privilège des Normands, dont il n’est rien de plus rare que de tirer un oui ou un non. J’eus recours à véritablement bavarder sur l’incertitude et la volubilité de M. le duc d’Orléans, qui change en un moment tout ce qu’on croit tenir de sa facilité, de son crédit sur lui, des impressions qu’il a reçues des raisons qu’on lui a présentées, après quoi très souvent on se trouve non seulement à recommencer, mais plus éloigné que l’on n’étoit avant d’avoir proposé ; que ce que je ferois, ce seroit de le sonder et de profiter de ce que je trouverois de favorable à mon dessein, la première fois que je le verrois. J’ajoutai que je disois la première fois que je le verrois, parce que, si j’allois le trouver en jour qui n’étoit pas l’ordinaire, il seroit dès là en garde sur ce qui m’amèneroit, et par là je gâterois toute la besogne. Ce que j’alléguois en effet pour différer et gagner du temps étoit en effet tellement dans le vrai du caractère toujours soupçonneux de M. le duc d’Orléans, et si parfaitement connu du cardinal et même de Belle-Ile ; par ce qu’il en savoit de ceux qui en avoient l’expérience, par eux-mêmes, que Belle-Ile s’en contenta, et le cardinal aussi, qui me le renvoya le lendemain pour me le dire, me faire des remerciements infinis des promesses réitérées, surtout bien confirmer la bonne volonté que je lui témoignois, et tout doucement m’insinuer et me recorder ma leçon.

Enfin mon jour ordinaire venu, il me fallut aller chez