Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mezzabarba avoit tout pouvoir ; mais pour faire exécuter à la lettre les décrets et les bulles qui condamnoient la conduite des jésuites sur les rits chinois, et pour prendre toutes les plus juridiques informations sur ce qui s’étoit passé entre eux et le cardinal de Tournon jusqu’à sa mort inclusivement. Ce n’étoit pas là le compte des jésuites. Ils n’avoient garde de laisser porter une telle lumière sur leur conduite avec le précédent légat, encore moins sur la prison où ils l’avoient enfermé à Canton à son retour de Pékin, et infiniment moins sur sa mort. Mezzabarba, en attendant la permission de l’empereur de la Chine pour se rendre à Pékin, voulut commencer à s’informer de ces derniers faits, et de quelle façon les jésuites se conduisoient à l’égard des rits chinois depuis les condamnations de Rome. Il n’alla pas loin là-dessus sans être arrêté. La soumission apparente et les difficultés de rendre à ces brefs l’obéissance désirée furent d’abord employées, puis les négociations tentées pour empêcher le légat de continuer ses informations, et pour le porter à céder à des nécessités locales inconnues à Rome, et qui ne pouvoient permettre l’exécution des bulles et des décrets qui les condamnoient. Les promesses de faciliter son voyage à la cour de l’empereur, et d’y être traité avec les plus grandes distinctions, furent déployées. On lui fit sentir que le succès de ce voyage, et le voyage même étoit entre leurs mains. Mais rien de ce qui étoit proposé au légat n’étoit entre les siennes. Il n’avoit de pouvoir que pour les faire obéir, et il avoit les mains liées sur toute espèce de composition et de suspension. Il en fallut enfin venir à cet aveu. Les jésuites, hors de toute espérance de retourner cette légation suivant leurs vues, essayèrent d’un autre moyen. Ce fut de resserrer le légat et de l’effrayer. Ce moyen eut un plein effet.

Le patriarche, se voyant au même lieu où le cardinal de Tournon avoit cruellement péri entre les mains des mêmes qui lui en montroient de près la perspective, lâcha pied, et