Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/82

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le duc de Parme, frère et successeur de son père, et second mari de sa mère. Ce prince l’avoit toujours traitée avec amitié et considération, et tâché d’adoucir à son égard l’humeur farouche de sa mère. Aussi la reine aima toujours tendrement le duc de Parme, dont elle porta sans cesse les intérêts et même les désirs avec la plus grande chaleur ; et le crédit de ce prince auprès d’elle étoit le plus sûr et le plus fort qu’on y pût employer.

Elle aimoit, protégeoit et avançoit tant qu’il lui étoit possible les Parmesans ; elle avoit un foible pour eux bien connu d’Albéroni, et qu’il redoutoit sur toutes choses, comme on l’a vu dans ce qui a été donné ici de M. de Torcy. Scotti, d’une des premières maisons de Parme, car il y a d’autres Scotti qui n’en sont pas, et qui sont peu de chose, étoit venu à Madrid chargé des affaires du duc de Parme, lorsque Albéroni s’en défit et devint premier ministre. Scotti étoit toujours demeuré â Madrid sous la protection de la reine, qui se moquoit de lui la première, et qui une fois ou deux me laissa très bien entendre le peu de cas qu’elle en faisoit, en quoi elle étoit imitée de toute la cour, qui néanmoins lui témoignoit des égards à cause de l’affection sans estime de la reine. En effet, c’étoit un grand et gros homme, fort lourd, dont l’épaisseur se montroit en tout ce qu’il disoit et faisoit ; bon homme et honnête homme d’ailleurs, mais parfaitement incapable. Personne n’en étoit si persuadé que la reine, mais il étoit Parmesan et d’une des premières maisons sujettes du duc de Parme, et cela lui suffit pour faire à la longue et faute de concurrents du même pays, la haute fortune où il est à la fin parvenu par la bienveillance de la reine, sans néanmoins qu’elle ait jamais fait de lui le moindre cas. Elle l’a fait gouverneur du dernier des infants, lui a valu la Toison d’or, enfin la grandesse, et pour couronner tout, après l’avoir extrêmement enrichi, de fort pauvre qu’il étoit, l’ordre du Saint-Esprit.

Après l’explication préalable sur la tendresse de la reine