Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1881.djvu/33

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vous révéler), aujourd’hui il n’y a plus rien de cela. Vous vous faites humble, vous l’êtes trop, vous ne demandez rien, vous êtes reconnaissante de tout. Oh ! qu’au moins, si on immole sa nature et sa joie et tout, parce qu’on aime quelqu’un plus qu’on ne devrait le faire, qu’au moins, sous prétexte d’humanité et de se déclarer modeste et indigne, on ne soit pas rangé dans toutes ces fades limbes d’une amitié aussi pâle que la plus pâle des lueurs d’automne. Voyez-vous, chère, trop chère madame, je m’échapperai à moi-même, si cela dure ; je ne sais pourquoi je vous dis ces choses, moi qui ne voudrais, avant tout, pas du tout vous affliger. Mais cette façon de douceur inaltérable et d’humilité de cœur m’est insupportable par instants. Quoi ! n’y a-t-il pas un autre langage, une étincelle, un accent ? Quoi ! au lieu de dire : « Je suis reconnaissante de tout, de si peu que ce soit », on ne peut pas dire