Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
POÉSIES


Non pas un astre de présage
Luisant sur un ciel obscurci,
Un pilote au bout du voyage
Éclairant exprès le rivage,
Un frère, un ange, une âme aussi !

Mais que tu saches qu’à toute heure
Je suis là, priant, éploré ;
Mais qu’un rayon plus doux m’effleure
Et plus longtemps sur moi demeure,
Je suis heureux… et j’attendrai.

J’attendrai comme un de ces Anges
Aux filles des hommes liés
Jadis par des amours étranges,
Et pour ces profanes mélanges
De Dieu quelque temps oubliés.

En vain leurs mortelles compagnes
Les comblaient de baisers de miel ;
Ils erraient seuls par les campagnes.
Et montaient, de nuit, les montagnes,
Pour revoir de plus près le Ciel ;

Et si, plus prompt que la tempête,
Un Ange pur, au rameau d’or,
Vers un monde ou vers un prophète
Volait, rasant du pied la tête
Ou de l’Horeb ou du Thabor,

Au noble exilé de sa race
Il lançait vite un mot d’adieu,
Et, tout suivant des yeux sa trace,
L’autre espérait qu’un mot de grâce
Irait jusqu’au trône de Dieu.