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POÉSIES

Et dans ces doux projets qu’invente le caprice,
Ces conseils, ces baisers afin que j’obéisse,
Nous prolongeons le soir et nos instants si courts…
Oh ! je veux mériter d’être grondé toujours !


À ALFRED DE M. (musset.)


Pour moi, je me mis à rêver au lieu d’avoir du plaisir.
Sémancour, Oberman.


Les flambeaux pâlissaient, le bal allait finir,
Et les mères disaient qu’il fallait s’en venir ;
Et l’on dansait toujours, et l’heure enchanteresse
S’envolait : la fatigue aiguillonnait l’ivresse.
Ô quel délire alors ! Plus d’un pâle bouquet
Glisse d’un sein de vierge et jonche le parquet.
Une molle sueur embrase chaque joue ;
Aux fronts voluptueux le bandeau se dénoue
Et retombe en désordre, et les yeux en langueur
Laissent lire aux amants les tendresses du cœur ;
Les mains sentent des mains l’étreinte involontaire ;
Tous ces seins haletants gardent mal leur mystère ;
On entend des soupirs ; sous les gants déchirés
On froisse des bras nus, à plaisir dévorés,
Et la beauté sourit d’un regard qui pardonne,
Et plus lasse, en valsant, se penche et s’abandonne.
Moi, je valsais aussi ce soir-là, bienheureux,
Entourant ma beauté de mon bras amoureux,
Sa main sur mon épaule, et dans ma main sa taille ;
Ses beaux seins suspendus à mon cœur qui tressaille