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POÉSIES

(Car ce n’est plus l’amour) dans la loge, au boudoir,
Où se fait et défait la toilette du soir,
Que dirai-je ? on vous voit, on aime à tous entendre ;
On regrette tout bas ce que rien ne peut rendre ;
On jouit des trésors de votre esprit charmant ;
En vous on veut connaître un dernier monument
De l’âge qui n’est plus, d’un règne qui s’efface ;
— Et pendant ce temps-là, souvent passe et repasse
Votre fraîche suivante, alerte, au pied glissant,
Fine de taille, à l’œil doux, furtif, agaçant,
Dont on ne sait le nom ; elle tourne sans cesse
Détachant vos joyaux, vos robes de princesse,
Et sans bruit les emporte, et bientôt reparaît ;
Et, tout la regardant, l’adolescent distrait
À peine vous répond,… car elle est jeune et belle ;
Et, s’il revient demain, c’est peut-être pour elle.


I


Je ne veux plus, je ne chercherai plus, me disait-elle
— Je répondais :


Amie, il faut aimer quand le feu couve encore
Et qu’une main fidèle en refait les apprêts ;
Il faut rendre à l’autel ce qui tout bas dévore
Et qu’on regrette après.

Il faut aimer tandis que l’âme endolorie
N’a laissé qu’un éclair au front inaltéré.
Et qu’à de jeunes yeux l’amant soumis s’écrie :
 « Par toi je revivrai ! »