Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
POÉSIES


Là, dans l’étroit et sûr espace,
Vous monterez sans fin par l’infini degré ;
Amie, et si vous êtes lasse.
Plus haut, montant toujours, je vous y porterai[1].


IV


Plus que narcisse et pâle tubéreuse,
Plus que blanc nénuphar aux troublantes odeurs,
Doux sont à l’âme, après l’absence affreuse,
L’heureux retour et l’haleine amoureuse
De ma Beauté, la plus chaste des fleurs.

Parfum léger qui dit d’abord : C’est elle !
Petit parfum qu’on distingue entre tous,
Qu’à chaque brise on sent venir vers nous,
Qu’on voit sortir de la tige fidèle :
L’air s’en embaume, et connaît l’Immortelle.

Mais qui dira l’autre parfum caché,
Parfum mortel et d’amères délices,
Qui fait pâlir nénuphars et narcisses ?
Oh ! l’amant seul, à vos genoux penché,
Sait le mystère et garde les supplices :
Au fond de lui, c’est la fleur de désir,
Par vous craintive, et si close au plaisir !


  1. Cette pièce a été publiée dans je ne sais plus lequel de mes volumes de prose et glissée au bas d’une page sous le couvert d’un autre nom, comme j’ai fait souvent. Elle est de moi, — de ce moi défunt que j’appelle Joseph Delorme.