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DE JOSEPH DELORME.


Tout dort, tout est tranquille, et le cristal limpide,
En se refroidissant à l’air glacé des nuits,
Sans écho, sans soupir, sans un pli qui le ride,
Semble un miroir tout fait pour les pâles ennuis.

Mais ne sentez-vous pas, Madame, à son silence,
À ses flots transparents de lui-même oubliés,
À sa calme étendue où rien ne se balance,
Le bonheur qu’il éprouve à se taire à vos pieds,

À réfléchir en paix le bien-aimé rivage,
À le peindre plus pur en ne s’y mêlant pas,
À ne rien perdre en soi de la divine image
De Celle dont sans bruit il recueille les pas ?


IV


Comme au matin l’on voit un Essaim qui butine
S’abattre sur un Lys immobile et penché ;
La tige a tressailli, le calice s’incline,
Et s’incline avec lui tout le trésor caché.

Et tandis que l’Essaim des abeilles ensemble
Pèse d’un poids léger et blesse sans douleur,
De la pure rosée incertaine et qui tremble
Deux gouttes seulement s’échappent de la fleur.

Ce sont tes pleurs d’hier, tes larmes adorées,
Quand sur ce front pudique interdit au baiser,
Mes lèvres (ô pardonne !) avides, altérées,
Ont osé cette fois descendre et se poser :