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JUGEMENTS ET TÉMOIGNAGES.

sous semblent assez bien faire comprendre l’esprit de tout le livre. Nous ne saurions trop recommander aux lecteurs que cette amorce tentera de bien lire chaque pièce en situation, comme on dit au théâtre, c’est-à-dire à sa place dans l’ouvrage ; car il en est des Consolations comme des Poésies de Delorme : c’est le roman d’une idée ou d’un sentiment, marchant et se développant par accès lyriques, par fantaisies détachées, mais cependant toutes parfaitement coordonnées au but de l’ensemble. »


Le Globe citait ensuite la pièce IX du Recueil :

Ami, soit qu’emporté de passions sans nombre… ;

et la pièce XVII tout entière :

Ma barque est tout à l’heure aux bornes de la vie…

L’article d’examen et de fond ne parut que le vendredi 7 mai, il était signé O, et de la plume de cet homme d’esprit, M. Duvergier de Hauranne, qui partageait alors entre la littérature et la politique son actif intérêt et sa sagacité vigilante. Rien, dans ce qui a suivi, ne saurait me faire oublier ce qu’à la plus belle heure de ma jeunesse j’ai dû d’encouragement et de douceur à l’indulgent suffrage d’un critique exact et probe que l’amitié elle-même d’ordinaire ne fléchissait pas. Je donnerai cet article tout entier comme un de mes titres d’honneur :


« Il y a quelques aunées, une réputation de poëte se gagnait en France à bon marché. On apprenait en seconde ou en rhétorique à faire des vers ; puis, maître de la césure et de la rime, on cherchait dans les livres quelque lieu commun de morale philosophique, ou dans la nature quelque sujet banal de description. Cela fait, on se mettait à son bureau, et il n’est pas qu’après s’être cinq ou six heures passé la main sur le front, on n’en tirât à la fin une centaine de vers raisonnables et corrects. Quand on n’aspirait qu’à l’épître vu à la satire, deux ou trois séances suffisaient. On les multipliait si l’on voulait s’élever à la tragédie ou au poëme épique ; car, entre les unes et les autres, ce n’était à vrai dire qu’une différence de longueur et de temps. Venaient ensuite les lectures confidentielles d’a-