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PENSÉES D’AOÛT.

Le pouvait rentraîner l’espoir vain d’un retour ;
Et pour d’autres raisons d’absence et de voyage,
Il s’en irait à pied comme en pèlerinage.
Dans sa route tracée, il devait, en passant,
Visiter plus d’un frère opprimé, gémissant,
De saintes sœurs en deuil, et pour sûre parole
Montrer quelque verset aux marges d’un Nicole.

Comment (en y songeant me suis-je demandé),
Comment ce qui fut fait alors et décidé
Ou senti seulement, tout ce détail extrême,
Madame de Cicé le sut-elle elle-même ?
Était-ce de sa mère en ce temps, ou de lui
Qui sauvage, ce semble, et craintif, aurait fui ?
Pourtant c’était de lui plutôt que de sa mère
Qui, je crois, en sut moins. Par un récit sommaire,
De lui donc, et plus tard ?.. Mais non ;… si retraçants
Étaient ses souvenirs, quand, après bien des ans,
Elle me déroula l’histoire à sa naissance,
Qu’elle avait dû cueillir chaque image en présence !
Si j’osais, en tremblant, à de si purs destins,
Vieillesses où j’ai lu la blancheur des matins,
Mêler une pensée, oh ! non pas offensante,
Et pourtant attendrie, et toujours innocente ;
Si j’osais traverser tant de fermes décrets
D’une vague rougeur, d’un trouble, je dirais
Que peut-être, en partant pour ses lointains voyages,
Le jeune homme chrétien, entre autres raisons sages,
Eut celle aussi de fuir un trop proche trésor,
Et qu’avant le départ, sous la charmille encor,
En deux ou trois adieux d’intimité reprise,
Il put se confier et raconter la crise.
Elle donc, près du terme, et si loin de ces temps,
Se plaisait à rouvrir ces souvenirs sortants