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PENSÉES D’AOÛT.

Un saint prêtre vivait, et, sans trop défaillir,
Depuis quelques saisons achevait de vieillir.
Mais encore une fois avait pâli l’automne,
Et Noël, dans sa crèche, apprêtait sa couronne.
Le vieux prêtre en son cœur, durant tout cet Avent,
Sentait comme un désir suprême et plus fervent.
Les Saluts, chaque soir, en douce mélodie
L’inondaient, et sa voix sous ses pleurs enhardie,
Distincte, articulée, au verset solennel,
Du milieu de la foule arrivait à l’autel.
Enfin, la veille, ému, ne se sentant plus maître,
Il va vers l’aumônier, un bon et jeune prêtre :
« C’est donc demain Noël, l’Alleluia béni !
« Oh ! les beaux Rorate, les Consolamini !
« Oh ! monsieur l’aumônier, quels chants pleins d’allégresse !
« Ces Saluts de l’Avent ont comme une tendresse.
« Hélas !… vous êtes jeune, à l’autel vous chantez ;
« Voilà bien des Noëls que je n’ai pas fêtés ! »
Il s’arrêtait, n’osant ;… mais, d’une bonté sûre,
L’aumônier qui devine, achevant de conclure :
« Eh ! bien, chantez pour moi la grand’messe demain. »
— « Oh ! Monsieur ! (et la joie étouffait dans son sein) ;
« On vous disait bien bon, vous l’êtes plus encore ! »
Il officia donc, de voix tendre et sonore :
« Puisque ma voix mourante a chanté dans Sion,
« Congédie, à Seigneur, ton vieillard Siméon ! »

L’enfance encor, l’enfance a des vœux que j’admire,
Des élans où la foi revient luire et sourire,
Des propos à charmer les martyrs triomphants.
Et des vieillards aussi, pareils aux saints enfants,
Ont des désirs, Seigneur, de chanter à tes fêtes,
Comme un Éliacin au temps des rois-prophètes.