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PENSÉES D’AOÛT.


À VICTOR PAVIE


le soir de son mariage[1]


À d’autres, cher Pavie, en ces joyeux moments,
Au milieu des flambeaux, des fleurs et des serments
Où s’exalte un si pur délire,
À d’autres, s’il fallait toucher le mot profond,
Le mot vrai, qui le mieux éclairât ce qu’ils sont,
Pour chant d’hymen il faudrait dire ; —

À ceux qui, s’égarant au sortir du manoir,
Ont en de faux essais gâté leur jeune espoir
Et tari leur première joie ;
Que l’étoile a quittés, gardienne des berceaux :
Que passion navrante ou vulgaires assauts
Ont fatigués comme une proie ;

À ceux-là, quand l’Hymen, dans sa chaste pitié,
Vient poser sa couronne à leur front essuyé
Et leur conduit la jeune fille,
Jeune fille à l’œil vif, au bandeau radouci,
Qui les aime plus fort que s’ils sortaient aussi
Des saints baisers de la famille :

  1. Victor Pavie, d’Angers, un de nos plus jeunes amis du temps du Cénacle, resté le plus fidèle en vieillissant à toutes les amitiés, à toutes les admirations, à tous les cultes de sa jeunesse ; quand tous ont changé, le même ; conservé, perfectionné, exalté et enthousiaste toujours ; la flamme au front, un cœur d’or. À le voir d’ici, à travers notre tourbillon et du milieu de notre dispersion profonde, je le compare à un chapelain pieux qui veille et qui attend, je l’appelle le gardien de la chapelle ardente de nos souvenirs (1862).