Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/564

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
PENSÉES D’AOÛT.

L’orage avait cessé ; chaque nue en lambeaux
Flottait, laissant des jours où brillait quelque sphère.

Une raie un peu blanche au loin parut se faire :
C’est l’aube, dit quelqu’un ; — et sur ces monts si beaux,
Si beaux de ligne sombre, et pour moi si nouveaux,
Je chantais en mon cœur : Voyons l’aube légère !

Mais, à peine à mon siège où j’étais remonté,
Le sommeil du matin, pesant, précipité,
Ferma de plomb mes yeux. — Quand déjà l’aube errante

Luit du bord éternel, ainsi l’autre sommeil,
Le sommeil de la mort saisit l’âme espérante,
Et nous nous réveillons au grand et plein soleil !


LE JOUEUR D’ORGUE


Nous montions lentement, et pour longtemps encore ;
Les ombres pâlissaient et pressentaient l’aurore,
Et les astres tombants, humidement versés,
Épanchaient le sommeil aux yeux enfin lassés.
Tout dormait : je veillais, et, sous l’humble lumière,
Je voyais cheminer, tout près de la portière,
Un pauvre joueur d’orgue : il nous avait rejoints ;
Ne pas cheminer seul, cela fatigue moins.
Courbé sous son fardeau, gagne-pain de misère,
Que surmontait encor la balle nécessaire,
Un bâton à la main, sans un mot de chanson,
Il tirait à pas lents, regardant l’horizon.