Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
PENSÉES D’AOÛT.


Que ces femmes au seuil, coquettes du village,
Et celles de la ville au cœur plus enfermé,
Tous ces êtres d’un jour nous livrent quelques gages
De ce qu’ils ont souffert, de ce qu’ils ont aimé !

Que cet âne au poil fin, qui de son herbe douce
Se détourne pour voir nos tourbillons troublés ;
Ce petit mur vêtu de tuiles et de mousse ;
Ce grand noyer faisant oasis dans les blés ;

Que tous ces accidents de vie et de lumière,
Par quelque coin du moins passent dans le tableau !
Que (tant il y verra la ressemblance entière !)
L’oiseau pique au raisin ou veuille boire à l’eau !

Mais que l’homme surtout, que les hommes, nos frères,
Et ceux de ce temps-ci, malgré les soins contraires,
Et ceux plus tard venant, tous d’un même limon,
Qu’ils se sentent en nous aux heures non frivoles,
Qu’ils trouvent, un seul jour, leurs pleurs dans nos paroles,
Et qu’ils y mêlent notre nom !


SONNET

À M. JUSTIN MAURICE

Dans le Jura.


Nous gravissions de nuit une route sévère,
Une côte escarpée aux rochers les plus hauts ;