Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/606

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
284
PENSÉES D’AOÛT.

En traversant mon cœur, y consuma la chair.
J’arrivai, je trouvai ceux dont la faim m’appelle.
Eh ! que vis-je d’abord ? à misère réelle !
Oh ! rien de gracieux et d’à plaisir rêvé,
Et qu’un premier sourire a bientôt relevé !
Pas de front virginal incliné vers la mère,
Pas de beaux cheveux blancs ! ô misère, misère !
Et pourtant, sous l’horreur des haillons amassés,
Comme arbres tout entiers en racines poussés,
Les vertus subsistaient depuis longues années,
Trésor tel, qu’en retour des oboles données,
Contemplant les devoirs pratiqués sans fléchir,
Pour une Éternité j’avais à m’enrichir !
Depuis ce moment-là, redoublant d’amour tendre,
De chaste et pur amour où l’Ange peut descendre,
Pour Elle, pour qu’à bien ceci lui soit compté,
Je soigne la famille, et quand j’ai suscité
Un bienfaiteur de plus, quelque bonté de femme
Comme il en est encor, je me dis dans mon âme :
« C’est Elle sous ce nom, Elle qu’ils vont bénir
(Nos noms, même en leurs vœux, ne doivent pas s’unir !),
C’est Elle, sans savoir, que leur vive prière
Recommande surtout, c’est Elle la première,
Vigilante, invisible, et par qui Dieu voulut
Leur rouvrir son secours en cet humain salut ! »

La Charité fervente est une mère pure
(Raphaël quelque part sous ces traits la figure) ;
Son œil regarde au loin, et les enfants venus
Contre elle de tous points se serrent, froids et nus.
Un de ses bras les tient ; l’autre bras en implore ;
Elle en presse à son sein, et son œil cherche encore.
Quelques-uns par derrière, atteignant à ses plis,
Et sentis seulement, sont déjà recueillis.