Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/662

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
340
UN DERNIER RÊVE.


Mais, regardant encor les deux sœurs sous le charme,
Mon désir se confond, tout mon cœur se désarme :
« Non, ce serait péché que de les séparer ! »


SONNETS

À DEUX SŒURS


I

à mademoiselle frédérique


Pour qu’en parole, en vers mélodieux,
De sa jeune âme à la forme si belle
Un chant s’exhale, il lui faut, nous dit-elle,
Tristesse au cœur et des pleurs dans ses yeux,

Il faut que Celle à qui l’azur des cieux
Dès le berceau colora la prunelle,
Et qui répand le bonheur autour d’elle,
Ressente moins ce qu’on lui doit le mieux.

Oh ! s’il est vrai, sur sa lèvre si pure,
Ô Poësie, arrête ton murmure ;
Vers et soupirs, n’en soulève plus un.

Comme une abeille encore ensommeillée
Que la rosée odorante a mouillée,
Dors au calice, ou ne sois qu’un parfum !