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LIVRE PREMIER

tinuel combat, la mère Angélique croyait qu’il fallait presque ainsi l’aire ; peut-être avait-elle raison. Les difficultés de la Grâce dans ces conditions d’alors étaient autres ; ne nous hâtons pas de juger sa mesure. Chez ceux même qui estiment la justification possible actuellement et dans l’ordre naturel de la vie par des moyens plus simples, par un appareil moins minutieux et moins rigoureux, il ne saurait être nié que, dans des cas particuliers et extraordinaires, ce n’est pas trop des plus singuliers efforts, des plus vigilantes angoisses. Quiconque croit à la Grâce et à cette place forte du salut ici-bas ne doit donc pas trop s’étonner de voir que plusieurs y entrent à toute force, les uns en rampant contre terre et comme à plat ventre, les autres par le soupirail dont la grille déchire en passant, ou par l’égout qui ne souille que l’habit, ou par la lucarne escaladée du toit qui peut au dehors prêter à la risée, et par où pourtant descendit le paralytique. Jean Newton, Oberlin, Félix Neff,[1] sont entrés, à leur manière et selon leur voie ; vous qui la suivez, n’excluez pas celle des personnages non moins chrétiens dont nous traitons, si étrange d’abord à votre sens et si tourmentée qu’elle vous puisse paraître. Les réveils chrétiens, dans les siècles et dans les communions diverses, doivent s’opérer diversement et, pour ainsi dire, selon des formes différentes de sursaut ; l’essentiel est qu’ils s’opèrent.

  1. Voir les diverses Vies qui ont été écrites de ces excellents hommes. — (Il ne fallait pas moins que toutes ces considérations et explications préliminaires, dans mon Cours de 1837, pour bien établir les conditions de mon sujet et me donner le droit de développer cette Histoire d’un cloître, devant un auditoire composé en totalité de chrétiens réformés.)