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PORT-ROYAL

Le moment de cet hélas ! dans la scène entre Pauline et Polyeucte, est juste celui de l’évanouissement dans la scène entre Angélique et son père, de cet évanouissement tant raconté qui rappelait aux Jansénistes attendris celui d’Esther.

Les rôles de Pauline et de Sévère sont parfaitement beaux et certainement incomparables ; je ne ferai point au rôle de Félix l’honneur de le mettre même en seconde ligne : il a de la bassesse, on l’a dit ; mais il a aussi, dans son embarras, une teinte de comique qui repose ; on est tenté de lui appliquer le pauvre homme ; c’est l’abbé de Vauclair de la tragédie.

Plus on avance dans la pièce de Corneille, et plus (Félix à part) elle devient sublime, pathétique d’effet et renversante : ce brusque et double mouvement toujours applaudi :

Où le conduisez-vous ? — À la mort ! — À la gloire !

la conversion soudaine de Pauline, son cri :

Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée…
Je suis chrétienne enfin, n’est-ce point assez dit ?
.............
Le faut-il dire encor, Félix, je suis chrétienne !

la noblesse clémente, la conversion possible (et dans le lointain) de Sévère, lequel, en attendant, représente l’accompli modèle de l’honnête homme dans le monde, tout cela est d’une croissante et souveraine beauté, d’une de ces beautés de génie et d’art, inimitables, ce semble, et que rien dans la réalité de la vie, même chrétienne, ne pourrait égaler.

Pardon ! (et ici plus de sourire) tout cela a été égalé, surpassé peut-être, — oui, surpassé dans cette histoire et dans les conséquences mêmes de cette scène particulière que nous étudions. Car savez-vous, de cette scène,