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LIVRE PREMIER

de cette journée du Guichet, ce qui arriva ? Comptez et récapitulez les acteurs : la mère Angélique, M. Arnauld, madame Arnauld, madame Le Maître, M. d’Andilly, la jeune Agnès, les jeunes filles Anne et Marie-Claire. Eh bien ! tous ces acteurs ou témoins, M. Arnauld à part, qui mourut dans le monde en honnête homme honoré et en chrétien, tous, madame Arnauld en tête, entrèrent à Port-Royal et s’y firent, les femmes religieuses, et M. d’Andilly solitaire. Or, voici ce qu’on lit dans les histoires de Port-Royal à l'année 1641 ; qu’on veuille peser tous les mots : Ce 28 février, mourut, âgée de soixante-huit ans, sœur Catherine de Sainte-Félicité (nom de religion de madame Arnauld), fille de M. Marion, mère de la mère Angélique, de la mère Agnès, et de quatre autres filles religieuses, grand’mère de la mère Angélique de Saint-Jean et de ses cinq sœurs également dans le monastère (en tout six filles sous le voile et six petites-filles, toute une tribu de Lévi)[1] ; mère de M. d’Andilly, du grand Arnauld, aïeule de M. Le Maître, de M. de Saci, sans parler des autres encore ; si bien qu’on la peut dire, après la mère des saints Macchabées, la plus heureuse par la fécondité. Après la mort de M. Arnauld, son mari, s’étant retirée à Port-Royal, elle fut un jour si touchée d’un sermon qui se fit à la profession d’une religieuse, qu’après la cérémonie elle alla se jeter aux pieds de sa fille la mère Angélique, lui demandant d’entrer au noviciat et la prenant pour supérieure et pour mère. Dans le testament spirituel qu’elle fit à la veille de sa profession (février 1629), elle disait : « Je loue Dieu et le bénis avec un ressentiment indicible d’avoir déjà fait

  1. Pour être tout à fait exact, est-il besoin de noter que la sixième de ses petites-filles mourut n’étant encore que pensionnaire, avant l'âge de sa profession ?