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PORT-ROYAL

Genest, après avoir confessé sa préférence pour les anciens Grecs et Latins, Sophocle, Plante, Térence, déclare que, parmi les plus récents, la palme est à l'un d’eux sans contredit, à l’auteur de Pompée et d’Auguste,

Ces poèmes sans prix, où son illustre main
D’un pinceau sans pareil a peint l’esprit romain !

Les applaudissements nommaient Corneille. Le louer de la sorte au moment même où il l’imitait, c’était ingénieux de la part de Rotrou, c’était délicat.

Dioclétien, qui préfère pourtant un sujet moins connu et plus nouveau qu’ Auguste et Pompée, commande à Genest de jouer ce martyre d’Adrien qu’il joue, dit-on, si bien. Cet Adrien, persécuteur d’abord des Chrétiens comme saint Paul et soudainement converti comme lui, avait été condamné au supplice dans Nicomédie par Maximin lui-même, qui est là présent, et qui, selon qu’il le remarque, va être ainsi représenté par un acteur, lui spectateur. Ceci est déjà piquant. Le premier acte finit là-dessus.

Le second commence par une scène de répétition de la comédie que Genest doit représenter. Dans Hamlet, la scène des acteurs, si dramatique, n’est qu’un accident : ici, à partir de cet acte, c’est tout un drame intérieur qui s’emboîte dans l’autre, qui s’y enlace comme par jeu, et qui, de plus en plus gagnant, finit par tout prendre d’un revers et tout couronner. Genest tient en main son rôle et cause avec le décorateur. Il y a là de très bons vers dans sa bouche, des conseils sur la peinture de décoration et les effets qu’elle produit, des vers très peu classiques toutefois, et dans lesquels Fénelon, La Bruyère ou Boileau, ces écrivains du pur Louis XIV, n’auraient pas manqué de voir du jargon comme ils disaient ; le passage rappelle tout à fait des vers descriptifs de Molière sur le Val-de-Grâce, et, s’accordant