Adrien répond admirablement :
J’ai contre les Chrétiens servi longtemps vos haines,
Et j’appris leur constance en ordonnant leurs peines… ;
et, resté seul, repensant à Natalie qu'il va voir :
Marchons assurément sur les pas d’une femme :
Ce sexe qui ferma, rouvrit depuis les Cieux.
Vers d’unique et merveilleuse précision, et qui enferme toute l’histoire du monde depuis la Chute jusqu’à la Venue ! Natalie pourtant, qui accourt, fait une bien fausse entrée : voyant Adrien sans ses fers, elle s’imagine qu'il renonce, qu’il renie, et là-dessus elle s’emporte en un flux d’invectives tout à fait intarissables. Il a beau vouloir l’interrompre :
… … … Je n’entends plus un lâche
Qui dès le premier pas chancelle et se relâche,
s’écrie-t-elle ; — suit une triple cascade de tirades théâtrales, déclamatoires , et du pire. N’est-il pas frappant comme avec Rotrou nous passons à tout instant du bon au mauvais, du sublime au détestable ? Le lecteur est avec lui dans la situation peu commode qu’exprime burlesquement Gros-René :
… … Le vaisseau, malgré le nautonier,
Va tantôt à la cave et tantôt au grenier.
On serait tenté de lui dire avec un autre poète : Ni si haut, ni si bas ! Cette impression prépare à bien sentir la supériorité, l’originalité de Racine, du beau continu, soutenu, harmonieux.
Adrien, pendant que Natalie s’emporte et déclame, lui explique enfin à grande peine, lui glisse entre deux tirades que ce n’est que par complaisance que ses fers