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PORT-ROYAL.

écrivait à Jansénius les projets qu’il fondait sur un monastère de filles (qui était peut-être déjà le nôtre)[1], Jansénius, en son mauvais français flamand, lui répondait assez grossièrement que ces directions de filles n’engendraient que des embarras : « J’en connois ici de ceux qui étant capables de gouverner des évêchés, et le témoignant tous les jours, sont tombés en désordre pour n’avoir eu affaire qu’à dix ou douze de cette race.» Ainsi s’exprimait Jansénius, j’en rougis ; M. de Saint-Cyran, il est vrai, le réfuta, le convainquit ; mais l’un comme l’autre était à mille lieues des Philothées. Port-Royal, sous son directeur définitif, devint un couvent plus mâle de pensée et de courage qu’il n’était naturel à un monastère de filles. Saint François, venu plus tard, eût été merveilleusement propre à l’institution de Saint-Cyr, par exemple ; il aurait écrit de l’éducation des filles comme Fénelon.

En cherchant à pousser l’extrémité des conséquences, je ne veux que mieux poser les points de départ un moment confondus, et maintenir les directions différentes. La continuation prochaine de la dévotion à la saint François de Sales, continuation plus ou moins bien entendue et qu’il n’aurait peut-être pas approuvée lui-même sans réserve, menait pourtant sur les mêmes pentes à ces religions du Sacré-Cœur et de l’Immaculée Conception, que Port-Royal regardait volontiers comme des idolâtries[2], Il y a une force des choses qui subsiste et se développe dans les institutions, en dépit des per-

  1. Ou plus probablement, à cette date (1622), celui des Filles du Calvaire, où le Père Joseph, qui s’en repentit bientôt, l’avait introduit.
  2. La dévotion au Sacré-Cœur naquit précisément au sein de l’Ordre de la Visitation, et fut fondée régulièrement en 1686 par la mère Marguerite-Marie (Alacoque), du couvent de Paray-en-Charolais.