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LIVRE PREMIER.

Les défauts de l’écrivain et du genre se peuvent surtout retrouver très sensibles et très grossis dans l’ami et le suivant de saint François de Sales, dans le bon évêque de Belley, Pierre Camus, qui fut l’Élisée un peu folâtre de ce radieux Élie. C’est une méthode assez légitime (en ne la poussant pas trop à la lettre) de ressaisir ainsi dans l’élève et le caudataire les défauts où le maître inclinait déjà : dans Rotrou, les défauts par saillie et comme qui dirait les outrances de Corneille ; — dans Campistron, les défauts par défaillance, les pâleurs de Racine, que celui-ci avec grand soin nous dérobait ; — dans l’évêque de Belley, les surcroîts d’enjolivements et les arabesques du genre dévotieux de M. de Genève.

Ce qui, chez saint François, est de l’enjouement affectueux devient aisément chez l’autre un badinage très profane d’expression, une exagération qui prête au rire et qui s’en accommode. Il est le follet du saint, sa charge, on l’a dit, et faisant l’entrée large et joyeuse aux dames de la halle. Avec cela une érudition sans frein, une imagination volage à travers tous les poètes et toutes les réminiscences. Saint Thomas, Ovide ou Montaigne, ce lui est tout un, pourvu qu’il s’y joue. Toujours mené par la fleurette, par le son, par le calembour : en chaire ou plume en main, n’y résistant jamais. Ses bons mots, qui rejoignent en arrière ceux de Menot et de Maillard, en prêteraient à M. de Roquelaure et font tort d’avance au marquis de Bièvre. Si, aux meilleurs moments, il a mérité de dire de lui-même : Ma plume est de colombe qui porte le rameau d’olive en son bec[1], cette colombe ne dure guère, et sa plume courante est de vraie pie. Des trésors, pris on ne

  1. Lettres inédites de Camus (à moi communiquées dans le temps, par un ami regrettable, feu Charles Labitte). Elles doivent être à la Bibliothèque de l’Arsenal.