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PORT-ROYAL.

genre diffère en ce qu’il est direct, et qu’au contraire l’autre est tout symbolique[1].

La mauvaise postérité d’écrivains mystico-allégoriques qui dépend, à quelque degré, de saint François de Sales, se décèle surtout dans ses biographes et panégyristes les plus rapprochés. Le Père de La Rivière, dont j’ai cité de jolis traits, mérite certes une exception pour ses grâces, bien qu’un peu mignardes ; mais que dire de tant d’écrits raffinés et bizarres qui se prolongent et fourmillent autour de la mémoire du saint depuis sa mort jusqu’à sa canonisation[2] ? On est effrayé de tout ce qu’on retrouve ainsi en littérature sur chaque point où

    une confiance entière et à ce point imprudente. Qu’il y ait eu à Bourg-Fontaine une conférence où l’on ait jeté des idées de réforme, où l’on se soit sondé sur un concert mutuel d’efforts, et que Camus y ait assisté, c’est, à la rigueur, possible : tout le reste se rapporte à la calomnie de parti. Bien loin de devenir l’homme d’un complot, Camus resta plus que jamais l’enfant de son humeur.

  1. À propos du pittoresque en notre littérature, un homme d’esprit, qui sème dans des livres légers bien des observations dignes de mémoire, M. de Stendhal, a remarqué que « la première trace d’attention aux choses de la nature qu’il ait trouvée dans les livres qu’on lit, c’est cette rangée de saules sous laquelle se réfugie le duc de Nemours réduit au désespoir par la belle défense de la princesse de Clèves. » Cette rare et claire allée est devenue un assez beau parc chez Buffon, un assez magnifique paysage chez Rousseau : avec eux on avance et l’on reste dans le pur pittoresque ; mais avec Bernardin de Saint-Pierre et Lamartine le symbole se glisse, et dès lors quelque mysticisme reparaît.
  2. Je ne ferai que citer sa Vie symbolique par Gambart, avec figures et emblèmes, les Caractères ou les Peintures de la Vie du bienheureux François, par Nicolas de Hauteville, le magnifique Triomphe de saint François, par un messire Antoine Arnauld (qui, bien entendu, n’est pas le nôtre : c’est, je crois, le même contre qui l’on trouve un factum de Patru). Un Dom Laurent Bertrand donna en latin Cynosura mysticœ navigationis sancti Francisi, c’est-à-dire la Petite Ourse de la mystique navigation de saint François, divisée en rayons : c’est le sublime de la quintessence. Les allusions, les acrostiches, les anagrammes, les comparaisons de cerfs et d'alcyons, abondent dans ces amphigouri-