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PORT-ROYAL.

rétablirent sous le nom d’Académie Florimontane, Le duc de Savoie accorda des privilèges ; le duc de Nemours en fut le protecteur. Les séances se tenaient dans la maison même du président. Une devise ingénieuse et gracieuse se lisait au-dessous de l’image d’un oranger portant fruits et fleurs : Flores fructusque perennes ; ne semble-t-elle pas déceler le choix du souriant prélat ? Ce fut un des premiers essais d’Académie en deçà des monts. Quand des écrivains comme saint François de Sales et Honoré d’Urfé en étaient, on conçoit combien la culture littéraire y aurait pu profiter et s’embellir. Mais Favre, devenu président du Sénat de Chambéry en 1610, quitta Annecy ; il est à croire que l’Académie dès lors ralentit ses réunions. La mort de François (1622) y dut causer un dernier préjudice, si toutefois à cette date elle subsistait encore. Quoi qu’il en soit, ce prélude d’Académie française et des sciences à Annecy, trente ans juste avant la fondation de notre Académie sous Richelieu, est à noter et fait honneur aux instincts d’un pays réputé assez peu littéraire, mais qui eut pourtant sa poésie au déclin du Moyen-Age, surtout durant le seizième siècle, et à qui l’on doit Saint-Réal et les deux De Maistre. Vaugelas en est sorti. Fils du président Favre, il vint de bonne heure en France et s’attacha à la Cour. Il en sut à merveille la langue et travailla plus que personne à la polir. Mais on peut regretter que lui et les autres premiers académiciens, dans leur esprit de réforme, n’aient pas eu plus de ressouvenir de cette culture antérieure ; que lui particulièrement, qui ne sortait pas de Coëffeteau, ait un peu trop oublié, méprisé les grâces et les libertés heureuses de ce style à la saint François de Sales, à la bonne et fine fleur gauloise, dont son enfance avait dû être nourrie ; qu’enfin ses ciseaux de grammairien aient tant retranché à l’oranger odorant de cette Académie paternelle.