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PORT-ROYAL.

Si l’on admet avec Leydecker[1] que le jeune de Hauranne, au sortir de cette thèse, se mit sous la discipline du docteur Jacques Janson, l’héritier des doctrines de Baïus, il put rapporter de Louvain le germe déjà éveillé de ses futures doctrines : mais rien n’est moins prouvé. Revenu à Paris, on n’a que peu de détails sur sa vie et ses études en ces cinq ou six années. Un petit écrit de lui, dont on a fait bruit par la suite, se rapporte à ce séjour et parut en 1609. Il était lié avec le comte de Cramail, son compatriote du Midi, bel esprit d’alors et auteur de qualité. Or, le roi Henri IV ayant un jour demandé à quelques seigneurs, par manière de gai retour sur les anciennes détresses, ce qu’ils eussent fait si, perdant aussi bien la bataille d’Arques et obligé de se sauver sur mer, il eût été jeté loin par la tempête et dans une barque sans vivres, un d’eux répondit qu’il se serait plutôt tué, plutôt donné à manger à son roi, que de le laisser mourir de faim. De là grand débat. Le roi posa la question : Si cela se pouvait faire sans crime ? Ce fut à qui la résoudrait. Le comte de Cramail raconta le cas à M. de Hauranne, dont la vivacité subtile et l’imagination un peu bizarre se mirent en frais de raisons à l’appui. Le comte en fut si charmé et les trouva si ingénieuses qu’il le pressa de les écrire. Il en résulta un petit livret qu’on publia sans nom d’auteur, sous le titre : Question royale, où est montré en quelle extrémité, principalement en temps de paix, le sujet pourroit être obligé

    Épîtres de Juste Lipse, il y a encore plusieurs billets adressés au jeune homme : tantôt il lui conseille les belles-lettres pour orner la théologie, il le pousse à la lecture des Pères grecs et latins pour le désaltérer de l’aridité scholastique ; tantôt il le dissuade de lire Cicéron et de chercher à s’en pénétrer estimant, avec grande raison, que son génie le porte ailleurs. En somme, Juste Lipse paraît s’être occupé très paternellement de lui.

  1. Historia Jansenismi.