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LIVRE PREMIER.

temps qu’il s’arrêtât. Il ressort du moins de ces deux écrits que sa nature était de celles qui ont besoin, pour se clarifier et se faire, de passer d’abord par quelque fatras, et, comme on le dit en mots francs, de jeter d’abord leur gourme avant d’être saines.

Au temps du premier écrit, qui, après tout, ne fut pour lui que le feu d’une matinée, à Paris, il ne cessait, sans aucun doute, de poursuivre les études si fortement commencées. Il s’y lia d’étroite amitié avec Jansénius, qui y était venu dès 1605 pour étudier également, et aussi pour refaire sa santé par un changement de climat. Ils s’étaient vus probablement à Louvain ; ils n’eurent qu’à se reconnaître. L’inégalité de force entre les études théologiques des deux universités dut les frapper et faire l’objet fréquent de leur entretien. À Paris, les maîtres les plus doctes d’alors, comme André Du Val, ne remontaient pas aux Pères et se tenaient aux Scholastiques, compilant d’après eux et enseignant sur des cahiers. Les deux jeunes amis, en quête des sources supérieures, sentaient l’insuffisance et la dégradation de cette voie ; se plaignant de la mort de la vraie doctrine, ils avaient soif de la raviver. Ces idées naissantes étaient celles de quelques hommes jeunes encore, qu’ils purent rencontrer sur les bancs et pratiquer, de Gibieuf, par exemple, depuis célèbre dans l’Oratoire. La Faculté de théologie avait élu pour syndic, en 1608, Edmond Richer, qui se mit à tenir tête aux Jésuites et aux ultramontains : cela suscitait des pensées. Il paraît que, durant ce séjour à Paris, Jansénius se fit connaître en Sorbonne, et qu’il aurait pu y recevoir les honneurs du bonnet, s’il n’avait préféré en fils pieux se réserver pour Louvain. On dit aussi que de Hauranne le plaça dans la maison d’un conseiller à la Cour des Aides à titre de précepteur : Jansénius était pauvre et n’avait que son travail pour vivre. De Hauranne plus répandu, plus occupé de pa-