Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
278
PORT-ROYAL.

en est qui ont donné dans les petits vers galants. Chez M. de Saint-Cyran tout l’excès se réduisit en un peu de fausse thèse subtile, en un brin de galimatias, comme Nicole lui-même osait dire en parlant du maître.

Ce qui est plus singulier et tout à fait caractéristique, c’est que M. de Saint-Cyran récidiva à quelques années de là, et un peu plus sérieusement, ce semble. Etant à Poitiers auprès de l’évêque, en 1617, il fit imprimer un ouvrage sous ce titre : Apologie pour Henri-Louis Chateignier de La Rocheposai, évêque de Poitiers, contre ceux qui disent qu’il n’est pas permis aux Ecclésiastiques d’avoir recours aux armes en cas de nécessité. Cet évêque, en effet, avait pris les armes dans une affaire contre les Protestants au sein même de sa ville, et les avait battus à la tête d’un gros de troupes. Ellies Du Pin, au tome second de son Histoire ecclésiastique du dix-septième siècle, n’a pas dédaigné de donner une fort longue analyse de ce singulier écrit, où la plaisanterie, si elle y a quelque part, était par trop lourde et trop dissimulée. L’auteur y passait en revue, dans une longue et incroyable liste, tous les cardinaux, évêques, archevêques, qui ont porté les armes et fait la guerre sans scrupule. Mais il remontait, avant tout, jusqu’à la Synagogue se défendant par les armes au temps des Macchabées, et n’oubliait, on peut le croire, ni Samuel ni Abraham. Quant aux exemples empruntés au Christianisme et qu’il semblait vouloir épuiser, il aurait pu les résumer plus agréablement dans celui de cet évêque qui, à la journée de Bouvines, allait écrasant les ennemis avec une masse d’armes, ne se croyant pas en droit de les pourfendre par l’épée, ou encore s’en tenir à l’autorité du bon archevêque Turpin, qu’il cite comme le fléau des Sarrasins dans les combats et comme le second de Charlemagne. Cette récidive de paradoxe, de la part de M. de Saint-Cyran, nous paraît assez grave de symptôme : il était