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LIVRE PREMIER.

aise, ayant fort appréhendé cette charge. » Il revient sur ce point à diverses reprises, se félicitant d’avoir trouvé prétexte pour se débarrasser d’une réfutation qu’il abhorre, dit-il, entièrement[1].

Le Synode calviniste de Dordrecht se tenait alors en Hollande (1618-1619) : il s’agissait d’y condamner les doctrines d’Arminius, qui les avait eues quelque peu molinistes ou semi-pélagiennes, mais fort charitables et tolérantes ; qui disait que Jésus-Christ est mort pour tous les hommes, que chacun a ce qu’il faut pour se sauver en le voulant, que la Grâce de Dieu n’annule pas la liberté de l’homme, ni le mérite ou le démérite des œuvres. Le Synode posait pied à pied le contraire. Jansénius se montre très-attentif aux actes de l’assemblée ; il en approuve presque entièrement le symbole, et le trouve à très-peu près catholique. Nul doute que ces matières remuées là tout à côté de lui n’aient ajouté à l’émulation de ses études et à la fermentation de son dessein.

Saint Augustin l’occupe de plus en plus ; il supporte à peine son collège, et redoute même la perspective d’une chaire, qui le distrairait de l’unique étude ; sans cesse il revient à son auteur favori, dont il dit qu’il lui semble jusque-là l’avoir lu sans yeux et ouï sans entendre :

« Que si les principes sont véritables qu’on m’en a découverts, comme je les juge être jusques à cette heure que j’ai

  1. Marc-Antoine de Dominis, un des esprits les plus brillants, les plus mobiles et les plus novateurs de son temps, théologien, physicien, philosophe, eut une vie toute d’aventures ; il ne put se fixer ni à l’orthodoxie, ni à l’hérésie, ni à l’indifférence. Ami de Fra Paolo, il n’eut rien de sa profonde conduite. Après mainte fuite et mainte erreur, il revint à Rome faire amende honorable ; mais, suspect encore et censé relaps, on l’enferma au château Saint-Ange, où il mourut en 1625. Son corps fut brûlé dans le champ de Flore, et ses cendres jetées dans le Tibre. Il a précédé Descartes pour la théorie de l’arc-en-ciel.