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PORT-ROYAL.

tendirent dirent expressément dès lors sur le projet et les moyens de relever la doctrine de la Grâce ; qu’ils convinrent de préparer prudemment et en secret, mais activement, les bases de la grande œuvre que Jansénius exécuterait surtout dans la portion d’érudition, et dont M. de Saint-Cyran propagerait l’esprit dans la pratique. Il paraît même que M. de Saint-Cyran, qui ne se retranchait pas du tout l’érudition pour cela, avait rédigé d’avance et qu’il posa avec son ami les têtes des chapitres les plus importants du livre de l’Augustinus. Après leur séparation, la Correspondance redouble d’activité ; mais le chiffre qui la rend très obscure commence. Il n’est plus question que de la grande affaire de Sulpice (Jansénius), de la matière de Pilmot, des racines qu’on croit avoir découvertes, d’où sortiront des arbres pour bâtir une certaine maisonM. de Saint-Cyran s’y appelle tantôt Rongeart et tantôt Durillon, et les Jésuites Chimer. Voici qui est plus clair, je prends çà et là :

« … Je suis aise que vous commenciez à ménager si bien les personnes qualifiées pour l’affaire spirituelle ; car je vois bien que cela est très-nécessaire, comme aussi une très grande prudence à mener le bateau…[1] »

« Je suis merveilleusement aise que l’affaire de Pilmot s’avance tellement en dormant, ce qui montre que Dieu y veille ; car cette disposition de plusieurs hommes vers la vérité, ou bien cette inquiétude à ne la trouver point, est très importante à leur faire embrasser comme à des affamés ce qui les assouvira[2]. »

On voit que si le style de Jansénius, son français-flamand, est souvent grossier et plat, il ne manque pas d’une certaine énergie qui sort de la pensée. Les adversaires du Jansénisme, et qui y voient de la cabale, ont

  1. 20 janvier 1622.
  2. 16 avril 1622.