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LIVRE PREMIER.

dans lesquels il réfutait d’importance les erreurs du Père Garasse. Ce jésuite, qui était un brouillon, une imagination leste et facétieuse, une plume assez dans le genre de Camus, mais bien moins exercée et à moins bonne fin, avait d’abord lâché, en 1623, sous le titre de Doctrine curieuse des Beaux-Esprits de ce temps, un vrai pamphlet, dans lequel, en chargeant d’athéisme une foule d’honnêtes gens, comme Charron, Pasquier, il faisait scandale et augmentait le mal qu’il voulait combattre. C’était élargir la tache au lieu de l’enlever. Il crut, dit Bayle, avoir donné échec et mat aux libertins, et il ne leur fit que plus beau jeu. Bayle le sait mieux que personne, et Voltaire aussi, pour qui le Père Garasse est une des bêtes de somme favorites sur lesquelles il daube le plus gaiement. Le prieur Ogier réfuta cet écrit du Père Garasse, qui riposta de plus belle. Mais, voulant montrer qu’il était capable aussi de réfuter sérieusement les athées, et tranchant cette fois du saint Thomas, le folâtre écrivain publia, en 1625, la Somme théologique des Vérités capitales de la Religion chrétienne, in-folio. « Pour la naissance de ce livre, disait-il dans l’avertissement, elle est en quelque chose semblable à celle de l’empereur Commode : il y en a qui la délirent, il y en a qui la craignent, il y en a qui la tiennent pour fort indifférente. » — « De ma façon d’écrire, ajoutait-il, je n’en dirai qu’un mot : je tâche d’écrire nettement et sans déguisement de métaphores, tant qu’il nous est possible. Je sais que la chose est malaisée… ; car je pense qu’il est des métaphores comme des femmes, c’est un mal nécessaire. » Quand de ce ton il en venait aux dogmes, quand le quolibet passait à travers les textes

    lume manque toujours, et ce quatrième tome n’est autre que l’abrégé dont parle Bayle. Tout donne à croire que Saint-Cyran, dégoûté de son surcroît de raison, et voyant le Père Garasse à terre, n’acheva pas.