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PORT-ROYAL.

de tout… À la récréation, il falloit se moquer les unes des autres, s’entrecontrefaire, et on appeloit cela se déniaiser. J’avois souvent de la peine de tout cela, mais je n’en disois rien ; et quand je me demandois en secret : À quoi tout cela est-il bon ? je me répondois : À détruire mon propre jugement.

« On voyoit bien, sans que je le disse, que je n’approuvois pas, et cet Évêque me dit une fois que je lui nuisais céans. Et comme je lui représentai que je ne disois rien, il me répondit : Votre ombre nous nuit. Je lui dis : Envoyez-moi où vous voudrez, j’irai[1]. »

Ce changement de l’esprit de Port-Royal ne suffit pas : on voulait quelque chose encore de plus nouveau. Dans le temps même où l’on sollicitait à Rome pour le changement de juridiction, on avait présenté supplique au Saint-Père pour la fondation d’un Institut particulier destiné à l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement. M. Zamet, lié avec la première duchesse de Longueville, lui avait persuadé de s’en déclarer Protectrice, pour mieux aider à la conclusion. Rome accorda ; en France, à la Cour, on faisait des difficultés : mais le roi ayant été guéri dans une maladie mortelle à Lyon, et, à ce qu’on crut, par la vertu du Saint-Sacrement reçu en viatique, le garde-des-sceaux Marillac, qui avait résisté jusqu’alors, dressa et scella les lettres-patentes motivées sur le miracle de la guérison (1630). L’affaire traîna encore par le fait de l’archevêque de Paris, M. de Gondi, mécontent qu’on lui eût associé, comme supérieurs de cet Institut, deux autres prélats, l’archevêque de Sens, M. de Bellegarde, et M. de Langres. Bref, en mai 1633, la maison du Saint-Sacrement, rue Coquillière, fut solennellement bénite : on avait choisi exprès le voisinage du Louvre,

  1. Mémoires pour servir, etc., tome I p. 333 et suiv.