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LIVRE DEUXIÈME.

put remarquer au milieu d’eux, non sans sourire, M. Le Maître, si prompt à toutes choses, l’épée au côté et le mousquet sur l’épaule.

M. de Séricourt, ce jeune militaire si doux, si délicat de complexion et si fort de cœur, m’a toujours donné sujet de concevoir ce qu’aurait été Vauvenargues s’il avait vécu vers le temps de M. de Saint-Cyran. Vauvenargues, un siècle plus tôt (est-ce bien téméraire de n’en pas douter ?), pour peu qu’il eût connu Port-Royal, y serait venu avec M. de Séricourt et tous ces autres pieux militaires. Comme, en effet, son âme religieuse, si brave et si tendre, va là naturellement ! comme son talent y aurait aisément tourné, y gagnant en solide appui, en point de vue supérieur ! Il me semble qu’il y aurait, si l’on avait loisir, un intérêt tout neuf et un jour imprévu à l’examiner ainsi dans le sens de cette affinité que je crois saisir et de cette ressemblance que je voudrais restaurer.

À ne prendre ces rapprochements que pour ce qu’ils valent, c’est-à-dire surtout pour des matières et des aiguillons à pensées, il y a lieu d’autant moins de se les refuser au passage.

Vauvenargues, comme esprit, c’est bien plus (cela va sans dire) que M. de Séricourt ; c’est un disciple de Pascal, le premier disciple en mérite, un Pascal plus doux, plus optimiste, plus confiant en la nature humaine loyale, généreuse, et qu’il juge trop par lui : âme bien née, il croyait à la nature. Vauvenargues, c’est un mélange adouci de Pascal et de M. de Séricourt. Ce dernier ressemblait encore à ce jeune et aimable compagnon de Vauvenargues, célébré dans une page funèbre si touchante, et à qui son sage ami dut souvent songer en écrivant les conseils sur la gloire et les plaisirs, à ce charmant Hippolyte de Seytres qui avait rapporté des marches glacées de Moravie les se-