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PORT-ROYAL.


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Maître, qui traduisit ce traité, en faisait sans doute une application à sa situation propre ; il s’en servait comme d’un bel exemple et d’un miroir éclatant pour assembler tous les rayons de l’autel, pour les offrir aux autres et s’en effrayer soi-même, selon cette règle de l’Église et cette remarque de Saint-Cyran, que la pénitence publique est incompatible avec le Sacerdoce[1]. Simple pénitent, il aidait à enseigner aux autres le chemin où il n’entrait pas, et leur indiquait de loin ces degrés qu’il s’interdisait.

Rien de touchant et d’éloquent comme ce petit traité. Chrysostome s’y montre d’abord dans une certaine dissipation de jeunesse et de talent, suivant avec assiduité le Palais et la Comédie : l’exemple de son ami Basile[2] le vient convier à la vie solitaire. Sa mère s’en émeut ; moins chrétiennement héroïque que madame Le Maître, elle veut dissuader son fils. Sitôt qu’elle s’aperçoit de ses idées de retraite, elle le prend par la main, le mène dans sa chambre, et là, l’ayant fait asseoir près d’elle sur le même lit où elle l’avait mis au monde, elle commence à pleurer et à se plaindre de lui tendrement. Chrysostome renversé va trouver son ami qui le rappelle en sens contraire. Sur ces entrefaites, un bruit se répand qu’on a dessein de les faire tous deux évêques. En ce temps, cela se pratiquait comme par sédition ; on s’emparait des gens qu’on croyait dignes, et on les forçait. M. de Saint-Cyran a dit excellemment de ces élections populaires et tumultuaires : «Le premier effet extérieur de vocation est quand la vertu d’un homme donne dans la vue de tout le monde et le fait juger digne


  1. «Et voilà pourquoi ces grands personnages, saint Antoine, saint Benoît, les deux saints François et saint Hilarion n’ont jamais été faits prêtres, ayant été établis de Dieu pour être des modèles de pénitence.» (Saint-Cyran.)
  2. On ne sait pas au juste quel était ce Basile.